Après avoir couvert plusieurs éruptions dans l’enclos du volcan depuis 1998 avec le Nikon F90X, le 15 janvier 2002 j’assiste enfin à la rencontre entre la lave et l’océan, fraîchement équipée de mon premier boîtier numérique pro, le Nikon D1.
Subjuguée par le spectacle nocturne qui s’offre à moi pour la première fois, je shoote. Mais sans aucune maîtrise du boîtier (automatisme diaph), au petit bonheur la chance et en jpeg. La faible qualité des images, passées à l’examen implacable des outils de post-traitement d’aujourd’hui, est très frustrante… Mais le souvenir de ce spectacle est malgré tout bel et bien figé en pixels (même s’il en manque quelques-uns !). Je travaille à ce moment-là pour le Journal de l’Ile, et voici l’article paru le lendemain :
Fabuleux, exceptionnel, inimaginable… Les mots sont faibles pour décrire l’ampleur du spectacle qui s’est joué lundi soir dans les flots, au pied de la coulée de la Vierge au Parasol et quasiment à huis clos. Le combat entre la lave et l’océan s’est déroulé à grand renfort d’explosions gazeuses et de bouillonnements écarlates, dans un dantesque nuage de vapeur rougeoyante et sous les yeux éberlués des quelques privilégiés ayant réussi à atteindre le site.
VK
Hier soir, ils n’étaient qu’une petite poignée de courageux spectateurs (les plus motivés, les plus téméraires et les plus résistants) à avoir réussi à franchir les kilomètres de bitume et les différents barrages de gendarmerie installés tout au long du parcours depuis le site de la coulée Citron Galet, et à avoir atteint le site tant désiré de la coulée éruptive; laquelle avait littéralement mangé le site de la Vierge au Parasol quelques heures auparavant, se jetant ensuite sans plus de formalités et avec presque quelque ironie dans l’océan. Mais nombreux sont ceux qui se sont découragés en cours de route, et qui, à pied, en moto ou en auto, ont rebroussé chemin, contribuant ainsi au monstrueux embouteillage généré par les automobilistes refoulés par les autorités. Enfin, pour ceux qui étaient finalement arrivés devant le long ruban de lave rougeoyante, il n’y avait alors plus que quelques mètres à descendre en la longeant par un petit sentier de pêcheur (assez abrupte sur la fin) pour rejoindre l’extrémité de la coulée. Et là, le choc était incontournable.
Un spectacle dantesque
Dans une atmosphère dantesque, gorgée de relents de gaz et de souffre qui se mêlaient aux parfums des embruns océaniques, le feu de la terre livrait un véritable combat avec l’élément liquide. Avançant dans l’océan, la puissance du rouleau de lave repoussait les vagues qui venaient s’échouer sur les rochers avoisinants. Un immense nuage de vapeur tourbillonnant et embrasé se dégageait de l’ensemble, conférant au site une allure jaune orangée surréaliste. Des explosions de gaz provoquaient d’étranges sifflements émaillés de bruits de bouillonnements, et se concrétisaient visuellement par des flammes aux reflets bleus et verts, et par des petites fontaines étincelantes jaillies de l’océan. En amont, la lave, épaisse mais relativement fluide, continuait d’avancer inexorablement, alimentant la masse qui s’épanchait dans l’océan.
Après quelques cris et exclamations de surprise face à cette fabuleuse et incroyable confrontation des éléments, chacun s’asseyait sur un bord de roche, et devenu muet, se laissait aller dans une contemplation quasi religieuse de l’événement, prenant soudain conscience de la condition humaine et de son humilité. L’émotion était palpable. Au bout de quelques minutes, appareils photos et caméras sortaient finalement discrètement de leurs étuis, et avec un grand respect, figeaient pour l’éternité (et pour prouver que ça n’était pas un rêve) quelques images de ce spectacle exceptionnel.
Vous pouvez retrouver quelques photos extraites de cette éruption en cliquant ici. //VK (photos © Valérie Koch – Tous droits réservés)